• Interview de Dorothée Hannequin - The Rodeo (10 juillet 2018)

    Interview de Dorothée Hannequin (The Rodeo) pour la sortie du single "Ivre d'amour" le 1er juin 2018 et de l'album Thérianthropie Paradis le 14 septembre 2018. 

    Par Baptiste & Gérald Petitjean

    (Café de l'Industrie, 10 juillet 2018)

    Baptiste & Gérald : Il y a, une fois n’est pas coutume, de grandes évolutions entre ton dernier album, La Musica del Diavolo, et ton nouvel album à paraître Thérianthropie Paradis, dont on a pu entendre le premier single « Ivre d’amour »… 

    Dorothée Hannequin : Le choix de la langue est évidemment le premier changement. Tu ne chantes pas pareil en français qu’en anglais y compris dans le choix des textes et dans les thèmes, c’est complètement différent. Ce nouvel album est moins joyeux. Le disque fonctionne un peu en clair-obscur : on commence par un son assez enjoué, très rythmé,  puis on passe à quelque chose de plus noir au fur et à mesure des morceaux. D’où le titre « Thérianthropie Paradis » (« Thérianthropie » = transformation d’un être humain en animal). Deuxième chose, sur le précédent album, j’avais fait une amorce de morceaux composés au piano, mais sur le prochain, la plupart des chansons ont été écrites au piano, deux seulement à la guitare. Cela change beaucoup de choses, en termes de richesse d’accords et d’arrangements potentiels. On a voulu aussi mettre une pincée de modernité à certains endroits, que ce soit à travers des boites à rythmes, des arpeggiators, des voix légèrement trafiquées… 

    B&G : Revenons au choix de la langue d’écriture : tu avais très peu de morceaux en français auparavant – on peut citer « Fantôme de tes pas » et « La Notte » -, qu’est-ce-qui a motivé ce changement ? 

    DH : J’ai voulu me fixer un challenge. Créer des chansons avec des textes plus réalistes qui me ressemblent davantage. Je me suis amusé à faire pas mal d’allitérations, varier le nombre de pieds, ne pas faire des rimes en permanence, souvent le piège du français. Et puis il y a une démocratisation du français aujourd’hui sur une musique exigeante, souvent d’inspiration anglo-saxonne. Je me suis sentie appelée, en quelque sorte, par cette belle écriture. J’ai entendu à la radio il y a peu de temps la chanson « Etonnez-moi, Benoit » de François Hardy, les textes sont divinement bien écrits et pourtant les mots sont très simples. Malgré tout, je précise à ce stade que j’ai des grosses lacunes en « chanson française », j’en écoute très peu. Quand on me dit que « Ivre d’amour » rappelle Michel Berger et France Gall, ça me fait plaisir, mais je connais très mal ces artistes. D’ailleurs, au niveau musical, je me suis plus inspirée de la pop européenne des années 60-70 (ABBA, Mina, Jeannette…) l’époque, ce n’était pas juste trois accords qui tournent sur une boite à rythmes. 

    B&G : Et le passage à l’écriture en français s’est fait facilement ?

    DH : Ça a été dur, j’ai peiné ! La sonorité des mots n’est pas la même et je tenais à mettre des mots qui ne sont pas souvent mis en musique, encore un challenge ! Sur le titre « Fantôme de tes pas », j’avais mis le mot « ingurgiter ». Là j’ai mis les mots « entrelacs », « mordorés », « candélabre »… 

    B&G : Cette démarche fait clairement référence au mouvement surréaliste, et notamment aux dadaïstes. D’ailleurs un de tes morceaux s’appelle « Cadavre exquis »… 

    DH : C’est en quelque sorte un jeu qui me permet d’ailleurs de m’extraire de la pesanteur de l’écriture en français, de la référence aux grands auteurs… 

    B&G : Les différents morceaux de l’album ont dû surgir assez rapidement alors ? 

    DH : Le premier morceau que j’ai composé  est « Cher ami », qui sert en quelque sorte de pont avec l’album précédent, très folk, très épuré. « Ivre d’amour », le single, est venu de manière très limpide, je me suis mise au piano, et la composition s’est faite tout naturellement, avec un côté « Hotel California » Vs Blonde Redhead, un de mes groupes préférés. Mathieu Geghre aux claviers m’a aidé à arranger, c’est lui qui m’a proposé l’arpeggiator, qui est assez envoûtant au final. « Pour que ma mémoire vive », vient d’un article scientifique dans lequel on apprenait qu’un chercheur, canadien il me semble, a inventé un médicament pour effacer certaines parties de la mémoire, comme les traumatismes post-attentats... Pour moi, les éléments traumatiques font partie de l’histoire de chacun, de la construction d’une personne…Ce morceau est donc une réflexion sur le fait qu’aujourd’hui on est constamment dans le positivisme. On nous pousse à donner le meilleur de nous même en permanence. De même, le morceau « Cryogénie » vient d’un fait d’actualité dont j’avais entendu parler, une jeune fille qui allait mourir d’une maladie incurable et  qui avait demandé à ses parents de se faire cryogéniser. J’ai trouvé cela fascinant.  Enfin, j’ai écrit « Candélabre » avec Laurent Blot en trois heures, dans son local de répèt’. Bon, y’a eu un peu de travail ensuite, mais l’essentiel a été fait rapidement. 

    B&G : Quelle a été la réaction de tes musiciens quand ils ont découvert tes nouvelles compositions ?

    DH : Je crois qu’ils ont été agréablement surpris et mon entourage a vraiment vu le changement. Ils trouvaient que cela m’allait bien, comme s’ils s’attendaient à ce que je fasse cela un jour. Et puis j’ai décidé de prendre une tonalité plus haute – troisième challenge ! -, certains ne reconnaissent même pas ma voix. J’ai le sentiment aussi d’avoir eu plus de retours suite à la sorte du single « Ivre d’amour » : malgré les arrangements, les nouveaux morceaux sont sans doute plus accessibles. 

    B&G : On reconnait Jo Wedin dans les chœurs sur l’album…

    DH :  Jo est une super chanteuse, elle a une magnifique voix jazzy, beaucoup de coffre et elle est toujours juste. Sur « Cryogénie » on entend beaucoup sa voix, on ne l’a pas sous-mixée, on a voulu la mettre en avant. On se connait depuis plus de dix ans elle et moi, quand elle travaillait sur son projet Mai. J’en profite aussi pour dire que j’aime beaucoup le duo qu’elle forme avec Jean Felzine, sans parler de Mustang dont j’aime les morceaux, Felzine fait partie des meilleurs auteurs rock en France, il manie les mots comme personne. 

    B&G : On a le sentiment que cet album s’inscrit plus dans la recherche de la pop song parfaite…, qu’en penses-tu ? 

    Pendant longtemps j’ai cherché à déconstruire les chansons, les rendre bizarres alors qu’écrire une chanson pop est bien plus difficile. J’ai baigné dans la musique de Bowie, des Beatles, la Motown… En termes de pop song on est pas mal avec eux ! Et puis aujourd’hui, même si cela me parle moins, il y a des choses imparables, du RnB, de la dance, de l’électro… Comment ne pas aimer « Chandelier » de Sia? C’est génial de créer quelque chose que tout le monde peut fredonner. J’aime aussi l’idée d’avoir la possibilité d’écrire des morceaux intemporels, qui ne se démodent jamais, des classiques à ma mini échelle.

    B&G : Quel est ton Top 5 des albums/morceaux/concerts qui t’ont marqué depuis le début de l’année 2018 ?

    « Corazon de poeta » - Jeannette

    « Guardami negli occhi » - Ennio Morricone

    « Some girl » - Goldlink

    « City music » - Kevin Morby

    Nick Cave & The bad seeds @ All Points East Festival

     

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    Single « Ivre d’amour » sorti le 1er juin 2018.

     

    Date de sortie de l’album Thérianthropie Paradis : 14 septembre 2018


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