• Interview de Jacky (23 juillet 2018)

    Interview de Jacky (animateur de Jacky Lave Plus Propre sur IDF1)

    Par Baptiste et Gérald PETITJEAN.

    (Café Daguerre, le 23 juillet 2018)

    Interview de Jacky (23 juillet 2018)

    Baptiste et Gérald : Dans votre autobiographie "Dr Jacky et Mr Rock" (2007, Flammarion), vous semblez décrire une certaine fatigue à n'entendre que des questions sur votre participation au Club Dorothée, et pas sur le reste, « tout le reste » comme vous l'écrivez. Quel regard portez-vous aujourd'hui sur votre parcours pour le moins atypique ?

    Jacky : Je ne regrette rien dans mon parcours. Toutes les émissions que j'ai animées ou auxquelles j'ai participé, je les adore. Le Club Dorothée, puisque c'est de cela qu'on parle, fait partie intégrante de mon œuvre. Quand on fait ce métier, je considère qu'il faut faire un maximum de choses différentes. Ce n'est pas donné à tout le monde. Et ils se trouve que j'ai eu la chance de rencontrer des personnes qui m'ont donné l'occasion de faire toutes ces choses différentes. 

    B & G : Votre autobiographie aurait-elle pu s'intituler Au bon endroit, au bon moment

    J : Oui, mais j'ajouterais et avec les bonnes personnes

    B & G : Vous avez raconté que quand vous étiez adolescent, vous alliez souvent à Londres. Déjà cet intérêt pour la musique ? 

    J : Je suis né en 1948, j'ai 70 ans. Et à l'époque, dans les années 60 et 70 donc, ce n'était déjà pas bien compliqué de se rendre à Londres. En fait, je participais à des échanges : je me rendais chez des familles pour apprendre l'anglais, et les petits Anglais venaient chez moi pour apprendre le français,  ce n'est pas très extraordinaire ! Mais surtout, c'est de cette période et de ces séjours qu'est venue ma passion pour le rock. J'ai vu les Stones, les Kinks, les Who… Mon correspondant anglais était lui aussi fan de rock, on parlait beaucoup de musique, des vinyles qu'on achetait …

    B & G : Après le baccalauréat, vous faites une école de journalisme, et pourtant vous vous orientez plutôt vers les maisons de disques et le métier d'attaché de presse …

    J : Après l’école de journalisme, j'ai fait mon service militaire, enfin pas intégralement, seulement trois ou quatre mois, car j'ai été réformé ! Et en revenant, il fallait bien que je trouve un travail et je voulais que ce soit dans le rock, c'était ma seule certitude. Puis le hasard : chez un coiffeur, j'ai rencontré la femme de Serge Lama, Daisy Lama, qui était attachée de presse chez Philips. Je lui ai parlé de mes recherches de boulot et elle m'a dit que si elle entendait parler de quelque chose elle m'appellerait. Et deux mois plus tard, elle m'a appelé ! Un poste d'attaché de presse se libérait. C'était le directeur de la promo qui assurait le recrutement, j'ai eu un créneau pour un entretien. 

    B & G : Comment s'est déroulé cet entretien ? 

    J : Avant de vous raconter, il faut quand même préciser que j'avais une allure un peu spéciale : des longs cheveux, des colliers partout, des creepers que j'avais achetées à Londres. Louis Nucéra, le directeur de la promotion chez Philips, futur directeur littéraire chez Lattès, qui a aussi écrit plusieurs super livres, m'a reçu dans son bureau. Il est resté assis, à bosser ; je suis resté debout, j'attendais ses questions. Il a fini par m'en poser deux, avec son accent niçois : il m'a demandé tout d'abord si je parlais anglais, j'ai répondu « oui ». Et il m'a demandé si je connaissais des gens dans le show biz, j'ai répondu « personne ». Fin de l'entretien. Il m'a rappelé le lendemain chez moi : « Vous commencez quand vous voulez ! »

    B & G : Les premiers jours de travail se sont bien passés ? Quelles étaient, concrètement, vos missions ? 

    J : Le directeur de la promo ne s'intéressant qu'à Brassens et Nougaro, j'ai hérité de tout le reste du catalogue ! Et je suis devenu attaché de presse de Blondie, Cat Stevens, Bob Marley, King Crimson, Roxy Music, Elton John, Rod Stewart, Genesis, Van der Graaf Generator… J'allais travailler avec tous les groupes et artistes dont j'étais fan. J'avais 25 ans, je trouvais ça génial de les avoir en face de moi. Mais c'était un sacré boulot, il fallait beaucoup travailler. Roxy Music fait partie des premiers groupes dont je me suis occupé, ils étaient énormes, des poids lourds, ils venaient de faire l'Olympia… Et le métier était super : j'organisais les interviews, on emmenait dîner les groupes, on s'occupait d'eux !

    B & G : Il vous arrivait de parler musique avec les groupes dont vous vous occupiez ? 

    J : Ça dépend, il y avait des artistes qui étaient plus distants que d'autres. J'aimais bien Bryan Ferry avec qui je discutais beaucoup, Peter Gabriel quand il chantait avec Genesis. Robert Fripp également, de King Crimson, était sympa. Mais je pourrais aussi citer David Byrne des Talking Heads et Debbie Harry de Blondie.

    B & G : Vous vous êtes aussi occupé de Serge Gainsbourg et de Bob Marley… Pas trop compliqué de travailler avec ces deux monstres ?!

    J : Je me suis occupé de Gainsbourg pendant huit ans, et je n'ai pas trouvé ça difficile. Peut-être même, contrairement aux apparences et à l'image qu'il renvoyait, que c'était plutôt facile : il était très posé, poli, ponctuel… On a souvent eu de belles conversations sur la musique, quand je passais le prendre en voiture pour le conduire à des interviews, ou après des interviews. Quant à Bob Marley, je ne me suis jamais retrouvé en tête-à-tête avec lui, il débarquait toujours avec 50 personnes… Mais il était charmant. Il avait toujours trois heures de retard, il suffisait de l'anticiper. Cela se passait très bien. Et puis, il faut dire aussi que les journalistes de l'époque étaient très pros, préparaient bien leurs interviews. Mais on parle d'une période où la presse musicale faisait vendre. 

    B & G : Qu'est-ce-qui a le plus changé, à vos yeux, dans le monde de la musique et l'industrie du disque aujourd'hui ? 

    J : Internet, évidemment, a tout bouleversé. Tout est désormais numérisé. C'est comme ça, je m'adapte, ce n'est ni bien ni mal. Mais c'est vrai qu'à mon époque, on attendait la sortie d'un disque, on l'écoutait entre potes, plusieurs fois dans la même journée, on connaissait chaque accord. Maintenant on peut acheter des morceaux d'un album, seulement certains titres… La musique est peut-être un peu plus banalisée. L'écoute est moins solennelle. Mais c'est une question de génération, je ne reproche rien à personne ! Malgré le retour du vinyle, il y a quand même une chute des ventes de supports physiques. A titre personnel, j'adore les disques, j'adore les CDs, les pochettes, les photos, connaître les noms des musiciens … 

    B & G : Vous êtes collectionneur ? 

    J : Oui, je ne les ai pas comptés précisément, mais je dois avoir 6 ou 7 000 vinyles. 

    B & G : Si vous deviez n'en garder que quelques-uns, ce seraient lesquels ?

    J : Ah non surtout pas ça, je les garde tous ! Je les aime tous. 

    B & G : Votre fiche Wikipédia indique que vous avez été journaliste à Rock & Folk ...

    J : C'est complètement faux ! Ça aurait pu me plaire, mais personne ne me l'a proposé ! 

    B & G : En revanche, vous avez animé de nombreuses émissions de radio … 

    J : Oui sur Skyrock, pendant 3 ans, de 1986 à 1988, j'ai animé une émission qui s'appelait Où sont passées les caméras ? Et qui passait le week-end. C'était un entretien d'une heure. 

    B & G : On pense aussi aux émissions télé …

    J : Oui il y a eu Chorus, avec Antoine de Caunes, sur Antenne 2. Quand l'émission a commencé j'étais encore attaché de presse chez Philips, et je lui proposais les albums dont je m'occupais de la promo. Et puis on s'est lié d'amitié, et il m'a proposé de venir un samedi enregistrer une émission … On présentait Chorus depuis le toit de L'Empire, un théâtre avenue de Wagram qui a brûlé depuis. C'étaient 37 minutes de musique live, on a accueilli les plus gros groupes de l'époque : Police, Dire Straits, Joe Jackson, Elvis Costello, Generation X, les Stranglers, les Dogs, les Cramps, Talking Heads, les Ramones, les B-52’s, Dr Feelgood … Tous ces groupes m'ont profondément marqué. Je dis bien : tous, pas un plus qu'un autre. On formait un duo de présentateurs avec Antoine, sauf que j'étais muet ! Je l'embêtais, je le taquinais. C'était totalement novateur comme concept et ça fonctionnait bien. Après j'ai fait Les Enfants du Rock, toujours sur Antenne 2, et en même temps Platine 45.

    B & G : Quels artistes regrettez-vous de ne pas avoir reçus ? 

    J : Ce n'est pas un regret, car il était un peu inaccessible, mais je crois qu'Antoine et moi aurions beaucoup aimé recevoir Bruce Springsteen. On a interviewé Springsteen, mais il n'est jamais venu aux Enfants du Rock

    B & G : En même temps que Les Enfants du rock, vous animez donc Platine 45. 

    J : C'était une émission de clips vidéos très large, ça allait des choses très pointues à de la variété française. On passait de Desireless à The Stray Cats… On avait reçu Madonna, Taxi Girl, Jacno, ou Téléphone, mais on avait aussi Jean-Pierre Mader ! Ce grand écart est sans doute ce qui a fait le succès de l'émission. Et c'est peut-être une bonne illustration de ce qu'est la « pop ». On faisait le top 50 avant le top 50, sauf qu'il n'y avait pas de classement. 

    B & G : Le générique de Platine 45 a été composé par Jacno. Il avait composé ce morceau, « Roulette Russe », spécialement pour l'émission ?

    J : Oui tout à fait, c'était l'époque où il faisait « Rectangle », c'est dans le même style. J'aimais beaucoup Jacno, je l'avais vu assez tôt quand il était avec les Stinky Toys. Et puis Stéphane Sirkis, du groupe Indochine, nous a fait le deuxième générique.

    B & G : Vous avez donc été attaché de presse de maisons de disques, puis présentateur d'émissions musicales, mais vous avez aussi été chanteur … 

    J : Chanteur, c'est un bien grand mot ! Mais, c'est vrai qu'avec le morceau « Tétèou », avec Lio, sorti en 1983, on était au top 50 ! Encore une fois, ce morceau se situait entre un genre très indé et quelque chose de très pop … Et Lio elle-même incarne tout à fait cet aspect indé-pop. A cette époque, on se voyait souvent sur Platine 45. Elle vivait avec Alain Chamfort. On avait envie de faire une chanson, peut-être un duo. Et puis un jour Alain a trouvé le refrain, et moi j'ai contacté Boris Bergman, que j'avais connu quand j'étais l'attaché de presse de Bashung, pour qu'il nous fasse de jolies paroles.

    B & G : Qui vous donne envie de chanter, les Compagnons de la chanson ou les Beatles ?!

    J : Les deux ! Comment savez-vous que je suis fan des Compagnons ? [rires] C'est le premier boys band français… Mes parents aimaient bien les écouter… Mais je n'ai jamais voulu faire chanteur, j'ai enregistré quelques titres … C'était juste comme ça, pour m'amuser et parce qu'on me le proposait ! C'était plus une parenthèse ...

    B & G : Vous avez aussi fait le titre « Mon avion et moi », excellent morceau… 

    J : Oui c'est Arnold Turboust qui a fait la musique, et Etienne Daho s'est occupé des paroles. J'ai connu Etienne à Platine 45 où il a fait sa première télé. C'était la face B du disque "Le parleur des haut-parleurs" sorti chez AB en 1986. J'adore cette chanson. Turboust et Daho avaient déjà fait la face B de "Tétèou", « Cache-cache dans l'espace ».

    B & G : On retrouve aujourd'hui l'influence des années 80 chez de nombreux groupes français, vous y êtes sensible ? 

    J : Oui bien sûr, j'aime beaucoup de jeunes groupes français, que je reçois parfois dans mon émission sur IDF1 JLPP, ou avant dans JJDA. Mustang par exemple, ils sont venus deux fois, La Féline une fois, Eléphant aussi quelques fois. J'aime bien inviter des groupes indés. J'aime bien fouiller la presse musicale, et aller chercher ces groupes… Et puis on essaie de les mettre en valeur, de faire en sorte qu'ils puissent jouer un ou deux morceaux en live.

    B & G : On imagine que vous écoutez beaucoup de musique.

    J : Oui ça fait partie de mon univers. En bossant, en préparant mes interviews… Ce matin par exemple, avant de venir vous voir, j'écoutais un album des Talking Heads, le premier [ndlr Talking Heads: 77], parce que je pensais à David Byrne… J'aime beaucoup le dernier album de Chamfort aussi, Le Désordre des Choses, qui est sorti en avril dernier.


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