• Interview de Jo Wedin et Jean Felzine, 12 mai 2014.
    Par Baptiste et Gérald PETITJEAN.

    Interview de Jo Wedin et Jean Felzine (12 mai 2014)

    Entre deux concerts, au festival « Passer le Périph’ » le 4 mai et au Gibus Café le 13 mai, nous avons rendez-vous avec Jo Wedin et Jean Felzine pour discuter de la naissance de leur duo, de leurs influences américaines 50's et 60's, et de leur futur (sortie d’un album ou d’un EP, concerts, …). Une belle rencontre avec des musiciens talentueux et passionnés, et dont le duo n’a pas d’équivalent en France.

    Jo Wedin et Jean Felzine sont demain soir (mardi 13 mai, à partir de 20h30) au Gibus Café (127 rue Saint Maur, 75011 Paris). Proitez-en pour aller les découvrir sur scène !

    Baptiste & Gérald : Johanna, depuis quand vis-tu en France ?
    Johanna Wedin : Ça fait dix ans que je suis en France, je suis venue pour changer de vie en fait. J’ai aussi habité à New York un an. Mais je suis restée en France pour la musique. J’avais un autre projet musical auparavant, qui s’appelait MAI. J’ai sorti un album en 2007, et deux EP. Toute la création musicale s’est faite en France ; mais la musique faisait déjà partie de ma vie en Suède. J’ai appris à jouer de plusieurs instruments : j’ai joué du saxo quand j’étais petite, un peu de piano, donc j’ai toujours fait de la musique, mais je n’ai jamais eu de groupe là-bas.

    B&G : Comment vous êtes-vous rencontrés ?
    Jean Felzine : Johanna a arrêté son groupe MAI. Elle rêvait de faire des chansons en français.
    JW : J’avais fait seulement une reprise en français sur un de mes EP [Si tu doispPartir, de l’EP « Silent Seduction », 2010]. Je pensais à faire davantage de morceaux en français depuis longtemps, mais comme j’écris en anglais, c’était très dur de se lancer. Et puis j’adorais ce que faisait Jean, je l’ai contacté, et il a écrit une chanson qui correspondait vraiment, exactement, ce que je voulais !
    JF : Oui c’était la chanson Mets-moi dans ta Valise. Et nous nous sommes rencontrés aussi grâce à la manageuse de Jo, qui est la copine de l’ingé-son des La Femme avec qui on tournait à ce moment-là. Donc nous nous sommes vus, on a parlé de musique pendant toute une soirée. Et deux semaines après j’avais fait Mets-Moi dans ta Valise, et ça collait parfaitement avec ce que Jo avait en tête. Tout cela s’est déroulé pendant l’été 2012.

    G : Chanter en français était vraiment un souhait très fort ?
    JW : Oui tout à fait. Le français est une langue qui me fait rêver, et puis j’habite en France ! Il y a déjà beaucoup de groupes ici qui chantent en anglais ; de même en Suède, presque tous les groupes font des chansons en anglais. Donc le fait d’avoir le choix de chanter en français était formidable. Je connais aussi beaucoup d’artistes qui chantent en français, comme Françoise Hardy ou Serge Gainsbourg. Ce sont des artistes qui sont connus en Suède, et qui me faisaient rêver.

    B : Le retour du français dans la pop, vous en pensez quoi ?
    JF : Cela me réjouit. Et en plus c’est revendiqué maintenant : nous sommes fiers de chanter en français, parce que c’est notre langue, parce qu’elle est belle. Dans le cas de notre duo, c’est un peu différent car ce n’est pas la langue natale de Jo, mais on a aussi des morceaux en anglais su scène.
    JW : Oui les morceaux sont tout de même plus abordables pour moi sur le plan de l’écriture quand ils sont en anglais. Au tout début, Jean faisait tout, maintenant, on co-écrit. Souvent j’apporte une trame narrative aussi.
    JF : C’est le cas par exemple sur Les Hommes ne sont plus des Hommes. Je ne me serais pas permis d’écrire un tel titre tout seul ! C’étaient les idées de Johanna, que j’ai mises en forme, parce que je maitrise mieux les rimes, la syntaxe etc.
    JW : Souvent j’essaie d’écrire des petites phrases… Mais cela reste encore un peu maladroit !
    JF : Oui mais c’est une bonne façon de faire des chansons. Quand j’écris tout seul, je procède de la même manière : j’essaie d’avoir une sorte de scénario, il y a bien sûr quelques phrases toutes prêtes, qui sont déjà en vers, qui viennent facilement, et ensuite j’essaie de donner une forme de chanson.

    B : Restons sur l’écriture, on a trouvé quelques ressemblances avec le style et les thèmes des chansons et des poèmes de Boris Vian, fait-il partie de tes influences ?
    JF : Je connais très mal Boris Vian, je pense que Johanna connait mieux que moi.
    JW : Oui je connais quelques chansons, mais je n’ai jamais été particulièrement influencée pour autant.
    JF : Il y a peut-être une certaine acidité dans ce que j’écris que l’on trouve aussi chez Vian.

    G : Et de la même façon, Vian avait des influences très américaines du point de vue de la musique (le jazz en l’occurrence) mais écrivait des textes en français.
    JW : Nous somes très influencés par la musique américaine mais nous posons des mots français dessus. C’est ça l’idée de base. Quand j’ai rencontré Jean, on parlait de Spector. Mais pas beaucoup des groupes français.
    JF : On dit souvent que les musiciens anglo-saxons chantent n’importe quoi dans leurs morceaux, mais ce n’est pas vrai ! Dimanche à Villejuif [au festival Passer le Périph'] on a fait une reprise de Jolene de Dolly Parton, avant tout parce que les paroles sont magnifiques. Dans la country, les paroles sont plus travaillées que dans la pop. Après, comme chez Spector, ce sont des histoires assez déchirantes. Il y a peu de mots, c’est assez simple, mais ce sont des histoires assez dures. Et quand on s’est rencontrés, c’est vers cela qu’on voulait aller. Aussi parce que MAI était un peu plus sophistiqué, parfois difficile à chanter.
    JW : Pas forcément difficile à chanter, mais c’était contenu, avec des morceaux qui modulent tout le temps. Je ne pouvais pas m’exprimer vocalement. Même si c’était aussi très subtil et que j’ai beaucoup aimé faire cela. Je co-composais avec Frédéric Fortuny ; souvent j’avais une compo, et lui l’améliorait. Mais on ne s’écoutait pas assez.
    JF : Alors que pour notre duo, et c’est ce que voulait Johanna à l’origine, ce sont des morceaux plus chantés, avec des voix qui montent. Donc cela nécessite des compositions plus simples, et plus puissantes aussi. C’est ce qu’on a essayé de faire.

    G : C’est d’ailleurs ce que les Anglo-saxons arrivent plutôt bien à faire : des morceaux simples mais pas « bébêtes » !
    JF : C’est l’esprit de Mets-moi dans ta Valise : c’est une fille qui supplie son mec de la garder, même si c’est juste pour être « l’ombre de [son] ombre », comme dans la chanson de Brel. C’était vraiment la chanson point de départ de notre rencontre et de notre travail ensemble.

    G : Pourquoi avoir contacté Jean au début ?
    JW : Pour le côté musique 50’s et 60’s, et aussi pour son chant ! Il y a peu de gens qui chantent vraiment. Je me suis dit que Jean allait comprendre ce que je voulais faire.
    JF : On a beaucoup d’influences en commun : la musique américaine des années 50-60 pour faire court.
    JW : Jean m’a aussi fait découvrir la country, et moi je connais peut-être plus le jazz.
    JF : Oui je n’y connaissais rien du tout en jazz !

    B : Sur le chant, c’est vrai que l’on constate que vous vous éclatez vraiment sur scène. Par exemple, en ce qui concerne Jo, sa reprise de Charlie Rich, The Most Beautiful Girl, qu’elle a faite à la soirée de Cléa Vincent aux Trois baudets.
    JF : C’est l’exemple typique de grande chanson américaine moitié soul, moitié country, que l’on aime beaucoup.
    JW : A propos de soul, on pourrait aussi citer Wendy Rene.

    B : Jean, tu évoques également souvent le Brill Building, et The Shanri-Las.
    JF : Le Brill Building était une véritable usine à chansons pop. C’était un âge d’or en fait. Ça a donné Burt Bacharach, avec Hal David, Doc Pomus, Mort Shuman. Ça a donné de très grandes chansons populaires, mais exigeantes aussi. C’était à mi-chemin entre l’artisanat et l’industrie. C’était bien aussi de sortir du mythe de l’auteur compositeur, de l’artiste qui fait tout, et d’aller vers le travail en équipe. Je ne demande pas à une super chanteuse comme Dionne Warwick de faire ses chansons ; si Bacharach lui fait, c’est formidable ! Si tout le monde est au top dans la chaine de production, c’est parfait !
    Pour les Shangri-Las, c’est plus le côté mélodramatique qui nous plait, avec carrément les bruits de moto quand le mec a un accident. On a aussi pas mal discuté des Ronettes, les groupes de filles comme ça. Souvent des chansons très déchirantes. Un peu ce qu’on avait en ligne de mire, et il faut dire aussi que ça ne se fait pas beaucoup en France, en tout cas pas ces temps-ci.
    JW : Et je pense que ma voix s’adapte naturellement plutôt bien à ce genre…

    B&G : Le chant est une priorité pour vous?
    JF : On adore chanter. On chante tout le temps ! On aime beaucoup les Everly Bothers par exemple: ils ont vraiment un art de l’harmonie de voix qui est génial. On retrouve beaucoup cela aussi dans la country. Comme on est tous les deux capables de chanter des mélodies correctement, on travaille pas mal dans ce sens.

    B&G : Quels sont les projets en cours ?
    JF : On prévoit un album. On va enregistrer avant l’été, ou cet été. On a déjà enregistré des choses, ou mixé. On a beaucoup de chansons. Et on continue à en écrire.
    JW : A mon avis, ce sera un EP pour la rentrée. C’est ce dont j’ai envie en tout cas !
    JF : Pour les concerts, on sera au Gibus Café le 13 mai. A Londres le 30 mai. Je suis d’ailleurs certain que cela fonctionne mieux de chanter en français à l’étranger, c’est ça qu’il faut faire.
    JW : C’est une question d’organisation et de volonté aussi, mais ce n’est pas si difficile de construire une tournée et de monter des concerts. Je l’avais fait à New York : j’avais dix concerts en dix jours !
    JF : A Paris, on a plus la culture du cabaret, moins celle du café-concert. Mais cela permettrait aux musiciens qui ne jouent pas dans des salles qui paient au cachet réglementaire de s’améliorer. Les groupes seraient meilleurs. Après, en France l’artiste a un statut particulier, il est souvent mis sur un piédestal. C’est bien, les gens à l’étranger nous envient cela, mais il y a les mauvais côtés : ne pas voir la musique comme un job, simplement, par exemple.

    B : Peut-être que le changement de mentalité peut venir d’initiatives comme celle de Marc Desse qui a organisé un festival pop [Passer le Périph’] ?
    JW : Oui évidemment, et souvent les gros festivals commencent comme ça !
    JF : S’il y avait plus d’événements intermédiaires pour pouvoir jouer, des petits clubs... Mais il y a malgré tout de bons côtés en France, la sécurité de l’intermittence en fait partie.

    B : Vous connaissez le Pop In ?
    JW : Oui on y a joué, et on va y rejouer !

    G : Et des festivals prévus cet été ?
    JW : Non. On a fait notre premier concert aux Trois Baudets fin décembre 2013, c’est là que tout s’est mis en place je pense. C’était une soirée consacrée à l’année 1966. Cléa Vincent a écouté nos morceaux, elle a adoré, et elle nous a proposé de faire la première partie. Et ensuite on a fait un ou deux concerts par mois. J’ai contacté des gens, et Jean m’a aidé pour contacter certaines personnes. Nous sommes allés à Bordeaux aussi, je n’avais pas envie de tourner en rond à Paris. Et j’aimerais que l’on s’organise une tournée nous-mêmes, qu’on contacte des petites salles. On n’a pas de prétention là-dessus, nous sommes prêts à jouer partout. C’est une question d’occasion aussi. J’aimerais bien avoir un tourneur qui nous trouverait des dates !
    JF : On s’est surtout dit qu’on allait se débrouiller pour faire des concerts dans la mesure où on a des chansons et qu’on sait les chanter. On n’avait pas envie d’attendre d’avoir une direction, et un « projet » comme on dit dans le métier ! A la base on avait le fantasme d’un concert avec plein de musiciens, à la Sonny & Cher, mais vu que ce n’était pas possible, on a décidé de faire des concerts avec des boites à rythmes, une guitare, et les deux voix. Cela a presque tracé une direction pour nous.


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  • Interview de Quentin, de Record Station.
    Le 10 avril 2014 - Record Station (13 rue des Récollets - 75010 Paris)
    Par Baptiste et Gérald PETITJEAN.

    La communauté pop indé : interview de Record Station (10 avril 2014)

    On croit entrer dans une étroite boutique de vinyles, et c'est en fait à un univers musical dense et étendu que l'on accède. Quentin, le fondateur et responsable de Record Station, nous y accueille pour une interview chargée de culture pop, rock, soul, jazz. En clin d’œil au disquaire du roman "High Fidelity", nous avons terminé par une série de tops, un exercice auquel tous les fans de musique devraient se plier !

    La communauté pop indé : interview de Record Station (10 avril 2014)

    Baptiste & Gérald : Quelle est l'histoire de Record Station ? Quand as-tu démarré l'aventure ? Qu'est-ce qui a motivé l'ouverture d'une boutique spécialisée dans les vinyles ?
    Quentin : Ca a démarré en 2009. C'est vraiment le fruit d'un fantasme. C'était ma cour de récré du samedi car je faisais ça en plus de mon boulot. Je travaillais dans une compagnie aérienne, j'allais souvent aux Etats-Unis, et c’est là-bas que je suis vraiment tombé dans l'univers des vinyles. En particulier les disques de soul. J'avais aussi l'envie d'avoir un endroit dans lequel écouter de la musique sans emmerder ma nana et les gens qui vivent avec moi : avoir une grosse discothèque quelque part, un lieu de partage musical. Et j'ai pris ce local. Au départ, je n'avais pas prévu que ça devienne un commerce : j'ouvrais juste le soir et le week-end. Et puis, ça a pris de l'ampleur car je ramenais de plus en plus de vinyles, une petite clientèle s'est créée par le bouche à oreille. Je n'ai pas eu besoin de faire de la communication et de la publicité ; et heureusement car ce n'est pas mon truc du tout (rires).

    B&G : Tu as démarré tout de suite dans le créneau des pressages originaux ?
    Q: Oui car c'est ce que je chinais pour moi. Je recherchais des pressages américains. J'ai vu très vite la différence entre un pressage original et un pressage français ou européen lambda. Mon premier contact était assez charnel : la pochette du disque qui me plaisait, l'épaisseur du carton, les pochettes dépliantes, et tout l'artwork. Et ensuite le contenu : je me suis rendu compte de la richesse et de l'amplitude du son des pressages originaux. C'était vraiment cette passion que j'avais envie de partager. Depuis que j'ai ouvert le magasin, ma culture musicale s'est très nettement élargie au contact des autres, en discutant et en partageant avec les clients. La plupart de mes clients les plus fidèles sont là depuis le début. Et avec le temps ils ont fini par développer des liens ici entre les murs du magasin, autour de la platine, en cherchant et se conseillant des disques entre eux. Ils connaissent leurs goûts respectifs et leurs points communs. Pourtant, ils ne se voient pas en dehors de la boutique qui, à force de rencontres, est devenue comme un lieu de rendez vous pérpétuel. Je me retrouve acteur et spectateur de ces échanges et j'y prends beaucoup de plaisir.

    B&G : Ici, il y a un double enrichissement : toi qui fais découvrir des disques aux clients et aussi les clients qui te font découvrir d'autres disques. Il y a toujours cet échange ?
    Q: Non, pas tous. Parfois, les gens sont un peu gênés de dire qu'ils n'y connaissent rien. Alors qu'on a presque envie d'être à leur place et d'avoir toutes ces belles choses à découvrir. Le rapport à la musique est assez singulier et personnel : il y a des disques qui te marquent à une période donnée, d'autres qui te laissent indifférent à un instant T puis, quelques années après, en fonction de ta vie (parcours sentimental, doutes ou humeurs du moment, …), te parlent tout d'un coup. Par exemple, au départ, j'étais moins sensible à des univers musicaux tels que le punk, la new wave, la scène 80's. Quelqu'un comme Etienne Daho m'a aussi fait apprécier la French pop (Jacno, Stinky Toys, ...). Je me suis aussi mis au jazz, que je n'écoutais pas du tout quand j'avais 20 ans. Au départ, j'étais plus attiré par le rock 70's ou le rock 60's, le garage, le psyché. Bien sûr, j'écoutais Cure et Joy Division. Mais des groupes comme Echo & the Bunnymen, Jesus & Mary Chain, Television, les Modern Lovers ou même Alan Vega et Suicide, c'est venu plus tard, c'était moins évident.
    Mes premières grandes histoires musicales furent Dylan et les Beatles, le genre de liaison qui te suivent toute ta vie, il y a toujours un moment où tu y reviens et c'est comme retrouver des vieux amis. Par contre, quand j'ai ouvert le magasin, j'étais dans une grosse période soul : je n'écoutais quasiment que ça et c'est ce que je faisais naturellement découvrir aux gens, avec beaucoup d'enthousiasme.

    La communauté pop indé : interview de Record Station (10 avril 2014)

    B&G : Pour toi, qu'est-ce qui est important dans le vinyle ?
    Q: Le vinyle rematérialise la musique et permet de s'extraire du bruit de fond. L'instant vinyle, sans parler de pressages originaux, s'est recréé ces dernières années : c'est la rencontre d'un objet qu'on a dans les mains et d'un moment pendant lequel on se pose pour écouter de la musique. Le vinyle rend ainsi ses lettres de noblesse à un art qui s'était réduit à n'être qu'un produit de consommation.

    B&G : Comment trouves-tu les disques que tu vends dans ton magasin ?
    Q: Je n'achète quasiment jamais de disques en France. Une fois que tu as pignon sur rue, beaucoup gens te demandent de venir voir les disques qu'ils ont chez eux. Comme le vinyle revient à la mode, on se persuade vite d'avoir un trésor chez soi. Je me suis ainsi retrouvé dans des endroits improbables, entouré uniquement de disques de Claude François et de C Jérôme par exemple. Le genre de situation embarrassante dans laquelle tu as juste envie de leur dire d'ouvrir les fenêtres et de faire du frisbee. Cela ne m'empêche de jeter un oeil quand on m'amène des disques au magasin mais, compte tenu de mon parcours, j'achète principalement des disques aux Etats-Unis et en Angleterre où j'ai développé beaucoup de contacts. J'ai aussi quelques correspondants japonais et scandinaves que je rencontre en Europe. D'ailleurs au Japon, contrairement à ce qui s'est passé chez nous, le marché du disque ne s'est jamais effondré car ils ont toujours respecté les amateurs de musique, en faisant des belles éditions limitées, en repartant des masters d’origine pour avoir la meilleure qualité de son possible, en respectant scrupuleusement l'artwork d'origine (les couleurs, les inserts, …).

    La communauté pop indé : interview de Record Station (10 avril 2014)

    B&G : Qui sont tes fournisseurs ?
    Q : Au Etats-Unis, ce sont beaucoup de particuliers : des collectionneurs et des mélomanes  (souvent des retraités). Tous ces correspondants deviennent ainsi des relais. Je ne fais pas moi-même les brocantes ni les vide-greniers car ça me prendrait trop de temps. Il faut vivre sur place pour faire ça. Mes relais vont chiner, regardent dans les journaux locaux si des collectionneurs revendent leur collection, et me mettent de côté une pré-sélection. Une fois sur place, je vérifie l'état des disques qu'ils ont pré-séléctionnés et je fais ma sélection définitive. J'en profite aussi pour rencontrer des collectionneurs privés, aller dans des magasins spécialisés, des conventions et autre dépôts. Aujourd'hui ça se complique un peu car comme le vinyle revient à la mode, beaucoup d'opportunistes qui ne sont pas de véritables amateurs de musique se sont mis sur le créneau et vendent directement sur internet. Et inexorablement le pressage original est une source qui va se tarir ...

    B&G : Combien de temps pars-tu pour aller chercher des disques ?
    Q : Je pars entre trois jours et une semaine. Quand je travaillais pour une compagnie aérienne, j'avais plus de flexibilité et ça ne me coûtait pas très cher. Parfois, j'allais aux Etats-Unis juste pour ne pas manquer une vente, quand un correspondant m'avertissait qu'une collection allait être vendue rapidement. Ça m'a permis de constituer un stock important et de lancer l'affaire. Maintenant, j'ai un vrai fonds de roulement et je vais aux Etats-Unis moins souvent, deux à trois fois par an. J'alterne les voyages avec l'Angleterre, car c'est plus proche, donc plus pratique, mais surtout pour diversifier l'offre du magasin : les pressages anglais, avec leur son détaillé et leur pochette laminée, c'est un must. Mais aussi tout le mouvement Indie puis Britpop (80's et 90's). Les vinyles de la période Britpop (en gros 1991 à 2005) sont assez rares car il y avait très peu de pressages vinyles. Et puis, ces disques font partie du patrimoine anglais, donc ils tournent très peu, sont très recherchés en Angleterre et ne restent pas longtemps sur le marché.

    B&G : Tu as déjà fait un voyage uniquement pour un disque ?
    Q : Ca peut motiver un départ. Mais, avec mon réseau, je sais que je vais aussi me déplacer pour d'autres choses. Généralement, je connais très bien mes correspondants, il y a un vrai rapport de confiance et j'attends qu'ils aient suffisamment de choses intéressantes.

    B&G : Tu connais les autres disquaires parisiens ? Ou tu es sur un créneau trop particulier ?
    Q : J'ai toujours été très indépendant. Je connais très peu physiquement les boutiques parisiennes de vinyles. J'ai surtout appris à les connaître de nom par l'intermédiaire de mes clients. C'est assez lié à mon histoire personnelle : je gardais mon argent pour chiner pendant mes voyages aux Etats-Unis. Quand j'avais dix-huit ans, j'allais un peu aux Puces : j'y ai acheté l'intégrale de Sinatra, des Pink Floyd en pressage de couleur. Mais je ne fréquentais pas les boutiques spécialisées. Actuellement, je sais qu'une nouvelle génération de disquaires s'est installée, plutôt dans le créneau des rééditions et des nouveautés.

    B : La dernière fois que je suis venu dans ta boutique, tu m'avais dit que certains disques ici étaient vraiment rares et que, parfois, tu n'avais pas envie de les voir partir.
    Q : Ça arrive. Même s'il faut qu'ils partent aussi. Mais les trouver me procure déjà beaucoup de plaisir. Après si de bonnes mains s'en emparent c'est encore mieux. Et moi-même, j'ai des réflexes de collectionneur, avec tout le côté addictif qui va avec les vinyles et cette recherche pérpetuelle de nouveautés et de raretés. En plus de classiques que l'on se doit d'avoir en stock dans de belles éditions, j'essaye d'avoir des choses moins communes et moins évidentes à proposer, donc plus difficiles à trouver. Et, me concernant, c'est ce qui maintient la flamme quelque part. Ainsi, le fait de pouvoir acheter des vinyles pour plein de gens a un peu calmé mon addiction ; je déclenche maintenant des émotions par procuration, en trouvant des disques que des personnes recherchaient depuis longtemps.

    B&G : Comment est venue ta passion pour la musique ?
    Q : Mon père est compositeur de musique contemporaine. Donc, tout ce que j’écoute aujourd'hui, je n'avais pas trop le droit ou l'opportunité de l'écouter chez mes parents. Ma passion de la musique est née de rencontres, avec des amis, à partir du lycée. On dit souvent qu'un ami est celui qui aime votre style de musique. Je me rends compte qu'ici, des personnes qui viennent d'univers complètement différents et qui ne s'adresseraient pas la parole en dehors du magasin se mettent à discuter et à partager leurs coups de cœur musicaux. Ça facilite les liens et le contact. Parfois, sur certaines ventes, je n'ai même rien à faire : un client cherche quelque chose et un autre client se met à le conseiller.

    La communauté pop indé : interview de Record Station (10 avril 2014)

    B&G : Ta boutique nous fait bien sûr penser au roman de Nick Hornby « High Fidelity ». On va donc poursuivre avec des Top 5.
    Q : Oui, c'est exactement ça l'esprit de ma boutique. L'ambiance de « High Fidelity », ou d'une scène du film « Hairspray » de John Waters. Et pour la petite anecdote, à Baltimore, une ville que je connais très bien, il y avait un disquaire soul qui m’a beaucoup marqué : quand tu rentrais dans cet endroit, tu te retrouvais transposé dans une autre époque, avec des gens apaisés, sans méfiance.

    B&G : Top 5 des plus belles pochettes d’albums ?
    Q : - Le premier Elvis Presley, pour ce qu'il représente, aussi pour le fait que les Clash ont repris cette pochette pour « London Calling ». Et, dans l'édition originale, il y a un truc particulier dans les couleurs, qui donnent un effet de profondeur et de 3D. Et il y a eu tellement de rééditions de cet album. J'ai d'ailleurs longtemps cru avoir l'original et, quand j'ai visité Graceland, en voyant les pochettes des albums qui sont exposées, je me suis rendu compte tout de suite que je n'avais jamais eu l'original. Depuis, je l'ai trouvé plein de fois, même s'il fait partie des disques les plus rares que j'ai vendus !
    - Ahmad Jamal, « Listen ». Ce disque n'est pas son plus connu, ni même réputé comme étant son meilleur. Mais cette pochette est juste une invitation à s'adonner à ce bonheur qu'est l'écoute d'un disque.
    - Chet Baker, « Chet Baker & Strings ». Mais il y a tellement de disques de Chet Baker qui fixent votre attention, ne serait-ce que pour leur pochette.
    - Terry Callier, « What color is love ». En plus d'être un disque splendide (pourtant pas mon préféré de l'artiste, ce serait plutôt « Occasional Rain » pour ma part), cette photo illustre tellement bien l'intimité et le moment de quiétude que constitue l'écoute d'un disque comme celui-ci.
    - The Smiths, « The Queen is Dead », pour le côté iconique avec Delon sur la photo. Toutes les pochettes des albums des Smiths sont magiques.

    La communauté pop indé : interview de Record Station (10 avril 2014)

    B&G : Top 5 des albums les plus rares que tu as vendus ?
    Q : - Le premier 13th Floor Elevators, « The Psychedelic Sounds of the 13th Floor Elevators ».
    - The Kinks, « The Kinks Are the Village Green Preservation Society », en édition UK mono.
    - O.V. Wright, « A Nickel and a Nail and Ace of Spades »
    - Le premier David Bowie, celui où il a une coupe de cheveux mod. Un album surtout connu des fans les plus ardus de Bowie.
    - Syl Johnson, « Dresses too short ».

    La communauté pop indé : interview de Record Station (10 avril 2014)

    B&G : Top 5 de tes albums décisifs ?
    Q : - Nina Simone, « Here comes the sun ».
    - Le premier Velvet Underground.
    - Bob Dylan, « Highway 61 Revisited ».
    - Pulp, « This is Hardcore ».
    - O.V. Wright, « The Bottom Line ».

    La communauté pop indé : interview de Record Station (10 avril 2014)

    B&G : Top 5 des albums que qui ne sont pas encore dans ta collection ou dans ton magasin mais que tu rêverais d'avoir ?
    Q : Les disques suivants, si je les rentre dans le magasin, ça me posera un vrai problème de conscience pour savoir si je les vends !
    - Howlin Wolf, « Moanin' In The Moonlight »
    - Nick Cave, « Let Love In »
    - The Sonics, « Here Are The Sonics ». Je l'ai déjà vu une fois, mais malheureusement pas en bon état et à un prix exorbitant ...
    - The Deviants, « Ptooff! »
    - Lee Moses, « Time and Place », avec le morceau Bad Girl, qui est revenu à la mode car il passe quasiment en intégralité dans le film « L'Apollonide ». Un disque maudit car le premier label sur lequel il est sorti a fait faillite peu de temps après. Donc, il y eu peu d’exemplaires originaux. Et, plus tard, le label anglais qui a sorti une réédition a aussi coulé. Cet album est très dur à trouver et très très cher.

    La communauté pop indé : interview de Record Station (10 avril 2014)

    B&G : Top 5 des albums récents (5 ou 10 dernières années ) ?
    Q : - Le dernier Daho, « Les Chansons de l'innocence retrouvée ». C'est une évidence. Cet album est magnifique.
    - Le premier Pete Doherty, « Grace/Wastelands », produit par Graham Coxon. D'ailleurs, c'est Graham Coxon le génie de Blur. Tous ses albums solo pourraient être dans ce top 5, en particulier « Happiness in magazines » et « The Kiss of Morning ».
    - Last Shadow Puppets, « The Age of the Understatement ». Le dernier Miles Kane (« Don’t Forget Who You Are ») est d'ailleurs très bon, bien meilleur que son premier album. Je préfére Miles Kane à Alex Turner, j'aime cette énergie mod qu'il dégage.
    - Le dernier Dr. John, « Locked Down », produit par Dan Auerbach des Black Keys, qui confirme que ce vieux son vaudou suave de la Nouvelle Orléans est intemporel.
    - Le dernier Nick Cave, « Push The Sky Away ». Un artiste à part.
    Le dernier BRMC m'a énormément plu aussi et est à mes yeux leur plus abouti. J'ai aussi beaucoup aimé les derniers Suede et Primal Scream, même si ce ne sont pas leurs meilleurs albums. Leurs concerts parisiens en 2013 étaient géniaux.

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    B&G : Top 5 des morceaux French Pop ?
    Q : - Serge Gainsbourg, Variations sur Marilou.
    - Christophe, Le temps de vivre.
    - Michel Polnareff, Je suis un homme.
    - Jacno, Mauvaise humeur, extrait de l'album « Faux témoin », produit par Etienne Daho.
    - Etienne Daho, L’Homme qui marche.

    B&G : Dans les groupes français actuels, quels sont ceux que tu apprécies et qui t'ont marqué ?
    Q : J'aime bien le virage qu'ont amorcé les BB Brunes sur leur dernier album, je trouve qu'Adrien Gallo a d'ailleurs un vrai talent d'écriture. L'album d'Aline (« Regarde Le Ciel ») est très bon, superbement produit par Jean Louis Piérot qui, à mes yeux, fait partie des meilleurs réalisateurs et arrangeurs en activité. J'ai aussi beaucoup aimé le Lescop et son atmosphère très Factory. Le dernier Coming Soon (« Tiger Meets Lion ») est assez innovant. J'ai été séduit par les morceaux J'appelle de Jérémy Kapone, qui a réussi à se construire un univers très personnel, et Ma Fiancée de Marc Desse, qui est très intéressant. Il y aussi un jeune groupe,  Mondo, dont le futur album « Abracadabra » est prometteur.

    B&G : Top 5 des chansons à écouter quand il pleut ? [précisons que nous avons préparé ce questionnaire par une journée pluvieuse ...]
    Q : - Morrissey, Everyday Is Like Sunday
    - Blur, Under The West Way
    - The Ronettes, Walking In The Rain
    - Sinatra, It Was A Very Good Year
    - Travis, Why Does It Always Rain On Me ?


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  • Interview de Cléa Vincent
    07 avril 2014 – Paris (Le Pop In)
    Par Baptiste PETITJEAN.

    Interview de Cléa Vincent (07 avril 2014)

    Je retrouve Cléa Vincent devant le Pop In en fin de journée et Denis arrive en même temps pour lever le rideau de fer. Cléa a joué plusieurs fois dans la cave de ce bar, y compris lors des sessions libres du dimanche soir. Elle nous a accordé une interview qui lui ressemble : sincère, directe, légère et fantaisiste.

    Cléa Vincent : Déjà, merci de m’avoir donné rendez-vous ici au Pop In. C’est vraiment un endroit important pour moi. C’est là que j’ai commencé : j’y ai fait mon premier concert en juin 2010. J’ai également participé aux scènes ouvertes du dimanche. C’est la première fois que je fais une interview ici, ce lieu évoque beaucoup de choses. Et tous mes potes artistes jouent là aussi : Kim [Giani], Natas Loves You, Baptiste W. Hamon, My Broken Frame. C’est plutôt en anglais, sauf pour Baptiste – même s’il avait commencé ici au Pop In avec des morceaux country en anglais – et plutôt pop indé. Le Pop In est comme une maison d’artistes, un repaire pour se rencontrer, monter des groupes. Le dimanche soir, pour les scènes ouvertes, tu peux avoir dix ou douze groupes qui passent à la suite ; ensuite il suffit de repérer les siens, ses frères, pour former sa petite famille. D’ailleurs, je me souviens qu’à la fin de ma première scène ouverte, Kim est venu me voir, et il m’a dit que ma musique lui faisait penser à Dick Annegarn, un chanteur belge qui est plutôt connu de nos parents. Ce n’est pas une référence évidente, et le fait qu’il me compare à ce chanteur que j’adore nous a permis de commencer à écrire des chansons ensemble très vite après cela.

    Baptiste : Que penses-tu de l’étiquette« Gnangnan Style » [cf. article de Libération] que certains voudraient te coller ?
    CV : J’ai bien aimé que l’article mette l’accent sur la musique légère. Evidemment, ma musique est légère, je mets même un point d’honneur à ce que ma musique soit véritablement légère, easy, et un peu décalée. En revanche, les textes expriment des sentiments assez profonds. Alors « gnangnan » oui peut-être parce que je dis ce que j’ai sur le cœur. Après, forcément, si on compare la nouvelle génération French Pop à Jacques Brel et tous les chanteurs à textes, on écrit comme des brelles ! Mais on ne veut pas rivaliser avec cette scène-là. On est plus ouverts sur l’international. Les groupes qu’on écoute chantent en anglais. Alors on essaie probablement de mélanger nos influences : chanson française, musique anglo-saxonne, et musique brésilienne en ce qui me concerne. C’est clair qu’on ne fait pas du Edith Piaf !

    B : Le magazine Magic t’a référencée dans les singles du mois d’avril et te compare à Lio et Chagrin d’Amour.
    CV : Je trouve ces comparaisons très pertinentes ! Un tube comme Banana Split est bourré de sous-entendus, le texte est très provocateur. Un morceau comme Le Méchant Loup est un peu dans cet esprit-là : cela ressemble à un conte, une fable, mais un peu louche. Et puis j’ai une adoration pour Lio. Son histoire personnelle me touche beaucoup : son rapport avec sa sœur [Helena Noguerra], qui a été très présente quand Lio a eu des problèmes avec son ex-mari. Ce sont des filles très classes, avec beaucoup de profondeur.

    B : Tu crois à un succès populaire de la French Pop dans les prochaines années ? Peut-être avec des groupes comme La Femme et Mustang par exemple ?
    CV : Je souhaite de tout mon cœur que des groupes comme Mustang ou La Femme marchent aussi fort que Stromae. J’ai vu Mustang à la Machine du Moulin Rouge la semaine dernière, je les ai trouvés incroyables. Les textes sont magnifiques. Ils ont aussi beaucoup de charisme… Ça compte beaucoup le charisme. Le mec de Lescop est monté sur scène à un moment, et pareil, le type a une vraie présence, il a une gueule. Vraiment, ces gens-là m’impressionnent. Ce que je me dis aussi c’est que ces groupes-là sont des groupes assez jeunes, et que leurs amis qui peuvent être dans les médias vont finir par occuper des postes clés. En fait, c’est toute une génération qui va arriver et qui va probablement mettre la lumière sur ces nouveaux groupes et sur la French Pop. En tout cas, jusqu’à présent, je ne me reconnais dans aucun groupe qui passe à la télé. J’espère qu’il va y avoir une prise de pouvoir, un putsch (rires) de ces nouveaux groupes. Et ça commence à bouger : La Femme a obtenu une Victoire de la Musique cette année. Il y a vraiment une nouvelle scène pop française de qualité, de vrais talents, avec des groupes très attachants qui nous font un peu rêver, qui nous emportent.

    B : Tu participais avec Mustang et The Pirouettes (entre autres) à la soirée Colette organisée le 14 février dernier, comment cela s’est-il fait (cf. live report de la soirée Saint Valentin à la Gaîté Lyrique) ?
    CV : Colette, ce qui les caractérise, c’est l’avant-gardisme. Alors ils repèrent pas mal de groupes, parfois même des groupes étranges. Ils mettent un point d’honneur à prendre le risque de diffuser des formations parfois même « chelou ». Ils sont très sélectifs pour les artistes qui participent à leurs soirées. En ce qui me concerne, il y a trois ans, j’avais enregistré des reprises de bossa nova avec le label Midnight Special Records, et ils nous avaient intégré dans une de leur music box. Le Directeur artistique musical de Colette, qui est un type qui a les oreilles partout, hyper cultivé, a repéré le petit label de Victor [Peynichou, directeur du label Midnight Records] et il nous a découverts via ces reprises de bossa nova. C’est un vrai chercheur de groupes.

    B : Tu viens d’achever une petite tournée européenne, c’était comment ?!
    CV : Ce qui est génial avec ce label, c’est qu’on est une toute petite équipe : on s’occupe ensemble de la production, de l’enregistrement, des tournées. Victor et moi-même avons donc tous les deux passé des coups de fil à des salles, à des programmateurs, etc, pour organiser cette tournée. Il y a un côté multi-task dans ce label que j’adore. Au final, on a tourné environ un mois entre février et mars, en Belgique, en Suisse, au Luxembourg, et en France bien sûr, dans des équivalents du Pop In en fait ! On a choisi des bars un peu comme ici, avec de la bière à foison (rires) et des groupes sympas avec lesquels on a partagé le plateau.

    B : Une anecdote sur un concert au Pop In ?
    CV : J’en ai même plusieurs des anecdotes, car le dimanche soir tu vois défiler un paquet de personnes ! Parfois, tu as des gens qui viennent et qui font des « performances », au lieu de venir chanter une chanson. Ça peut être bizarre, il y aurait des choses glauques à raconter ! Après, tu as des moments intéressants, quand une personne monte sur scène et capte tout de suite l’attention, les regards. Ces différences de charisme sur scène sont cruciales.

    B : Qu’attends tu de cette année 2014 ? Quid de la sortie de la deuxième partie de ton EP « Non Mais Oui » ?
    CV : Pour le prochain EP, ce sera effectivement la deuxième partie de « Non Mais Oui », que je ferai avec Midnight. Et ensuite j’aimerais bien autoproduire mon album, mais je n’y suis pas encore, ce sera plutôt pour 2015. Malgré tout, j’ai des idées précises sur la façon dont je veux le faire, probablement dans un plus grand studio, avec la participation de Midnight.
    Pour ce qui est du premier EP, j’ai eu beaucoup d’encouragements, beaucoup plus que ce que j’aurais imaginé. C’est comme si j’avais été un peu repérée et que maintenant certaines personnes attendaient de voir ce que je vais devenir. Il y a un côté carrément pressurisant ! Tu ne peux plus te permettre de faire des bêtises. On commence à être joué en radio, à être invité à des soirées concerts, à faire des interviews. C’est génial, ça encourage à continuer de travailler.

    B : Il y a un regain d’intérêt pour la pop en français depuis quelques années. En ce qui te concerne, pourquoi avoir choisi de chanter en français ?
    CV : Ce n’est pas seulement parce que mon accent est mauvais (rires), si c’était que ça, ce ne serait pas bien grave. C’est plutôt une question d’aisance dans l’écriture. J’ai toujours été nulle en anglais. D’ailleurs je me rappelle d’un truc : lors de ma première année de fac d’économie, on m’a rendu mon premier devoir d’anglais, et j’ai eu 4/20. J’ai appelé ma meilleure amie limite en pleurs et je lui ai dit : « Cécile, je suis dégoutée, je ne comprends pas, j’ai eu 4/20 ». Et là elle me fait : «  Mais Cléa t’as toujours été nulle en anglais ! ». Il y a une complexité quand même, je suis désolée, dans cette langue ! Je suis plus à l’aise en espagnol. Les temps en anglais… Je me paume complètement.

    B : il y a « All That She Wants » [reprise d'un tube des années 1990 d'Ace of Base] tout de même sur ton EP.
    CV: Oui c’est vrai. Mais ma meilleure pote qui est américaine m’a quand même dit : « Cléa c’est quoi cet accent ?! ». Bon, depuis elle l’écoute en boucle, ça va. Je pense qu’on s’habitue à l’accent. J’ai repris ce morceau en écoutant les conseils du batteur avec qui je travaille. C’est un morceau suffisamment ancien pour être repris, mais en même temps il est dans le coup.

    B : Tu as donc arrêté la fac pour te consacrer à la musique ?
    CV : J’ai fait une licence d’éco, après je me suis inscrite en master. Et j’ai abandonné, j’ai complètement craqué. J’étais ailleurs. J’étais entourée de bosseurs de oufs qui voulaient être dans la finance, banquiers … Moi, j’étais dans la musique, je me sentais top différente, complètement à l’ouest. C’était compliqué à vivre pour moi.

    B : Tu peux nous parler un peu de ton background musical ?
    CV : Je ne joue que du clavier. Et je compose aussi un peu sur logiciel, qui est un type d’instrument comme un autre, finalement. J’ai commencé à faire des chansons parce que j’ai redoublé ma licence, j’ai donc eu six mois sabbatiques, c’était en 2007. J’étais seule chez moi, et pendant un semestre, j’ai complètement badé, en plus j’étais en plein chagrin d’amour ; l’horreur quoi. J’ai passé mon temps à écrire des chansons tristes. Mais c’est un peu hors-temps maintenant, j’ai du mal à me revoir à cette période-là. Ceci dit, à l’époque, je vivais une vraie course-poursuite de l’amour (rires), c’était l’échec ! Ça me faisait beaucoup écrire. J’aimais – j’aime toujours d’ailleurs – le jeu amoureux, la séduction. J’adorais – j’adore toujours ! – l’amour impossible. J’adore courir après des trucs que je n’atteindrai jamais. Et ça, ça m’inspire plein de chansons. Je me suis trop ‘attaquée’ à des personnes qui ne s’attachaient pas, qui pouvaient courir dix-huit lapins en même temps. C’est un peu ce que j’appelle des muses : ce sont des personnes qui n’appartiennent à personne !

    B : Et il y a eu Cléa et les Coquillages aussi ?
    CV : C’était un projet parallèle à ce que je faisais en solo. C’était un groupe de reprises de chansons en français des années 60 et 70, plutôt en bossa nova. On était six sur scène, on a beaucoup joué ensemble. On avait même joué au carnaval Colette dans le jardin des Tuileries. C’est un groupe qui n’est pas fini.

    B : Tu adores la bossa non ?
    CV : C’est à cause du Brésil – même si je n’y suis jamais allée ! Leurs chanteurs me fascinent : Gilberto Gil, Jorge Ben Jor, Caetano Veloso. Ce sont des songwriters géniaux. Je pense que ce sont les meilleurs du monde. C’est pour cela que je suis si captivée. Ils montent sur scène comme on va se brosser les dents ! Ils sont toujours en marcel et tongs, et ils viennent exploser une chanson devant des milliers de personnes.

    B : Quels ont été les rencontres et les moments décisifs de ta jeune carrière ?
    CV : Il y a le Pop In, bien sûr. Tout est parti d’ici. Il y a eu aussi ma rencontre avec Jan Ghazi, un excellent directeur artistique. Il m’avait fait signer chez Polydor. C’est quelqu’un qui me suit, et qui me donne des conseils. Et puis ma rencontre avec Victor Peynichou, qui me délivre d’excellents conseils. Je pourrais aussi parler de mon père. Je le voyais un week-end sur deux. Et il me faisait des cassettes audio de jazz pour patienter. Ces cassettes constituaient une sorte de lien affectif …

    B : Le titre de ton EP « Non Mais Oui » peut être compris de plusieurs manières : obstination, indécision et caprice. Ou bien c’est un mélange des trois ?
    CV : « Non Mais Oui » résume bien ce qu’est l’insouciance : je ne réfléchis pas à ce que je ferai demain. « Non », parce que cela peut sembler déraisonnable de faire de la musique, mais « Oui » parce que je m’en fous, c’est ce que j’ai décidé de faire de ma vie. « Non mais oui » c’est aussi l’indécision. On est face au doute tous les jours quand on fait de la musique. Ce qui ressort de mes chansons c’est donc l’insouciance, mais aussi une sorte de sensualité. La sensualité, ça m’intéresse (rires) ! C’est toute la vie, on est tous là pour ça je pense… Enfin peut-être pas tous (rires). Après, quand je parle de sensualité, je pense plus à l’amour. L’amour c’est mon objectif n°1 dans la vie ! C’est hyper beau, et j’ai envie que ça marche, j’ai envie de tout donner pour ça ! Et en ce moment je me pose une question : concrètement, la vie de famille est-elle compatible avec le fait de faire de la musique ? Est-ce possible de faire les deux correctement ? Je crois que je me pose ces questions aussi car dans ma famille il n’y a pas d’artistes. Je suis la première à avoir suivi cette voix, il faut être un peu zinzin quand même. En même temps, je ne sais même pas si se poser ces questions sert à quelque chose …

    B : Cléa, on va maintenant faire une interview "Dernier coup". Dernier coup de coeur ?
    CV : La musique de Ricky Hollywood. C’est une bête de scène en plus. Bref, il déboîte !

    B : Dernier coup de blues ?
    CV : Après la tournée européenne, vers mi-mars. C’était affreux ! On a joué tous les soirs pendant un mois. En rentrant, j’ai eu deux jours off, et je les ai passés à pleurer !

    B : Dernier coup de fil ?
    CV : C’est Victor, on s’appelle toutes les cinq minutes

    B : Dernier coup de gueule ?
    CV : J’en ai beaucoup en ce moment. Mais il y en a un que je regrette : je me suis énervée avec un vigile récemment, pour rien en plus. C’était pendant mon concert aux Trois Baudets : il ne m’a pas laissé passer alors que je jouais le soir-même. Du coup ça m’a beaucoup énervée. Mais après, je me suis senti minable, et j’ai pleuré (rires) !

    B : Dernier coup de rouge ?
    CV : Au Cosmo, à Arts et Métiers. J’étais avec mon amie la plus proche, qui m’a fait des confidences incroyables … !


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  • Interview de Denis QUELARD, du Pop In.
    Le 26 mars 2014 - Pop In (105 Rue Amelot - 75011 Paris)
    Par Baptiste et Gérald PETITJEAN.

    La communauté pop indé : interview du Pop In (26 mars 2014)


    Depuis maintenant 17 ans, on peut écouter au Pop In toute la musique qu'on aime (et ce n'est pas du Johnny ...), rencontrer d'autres passionnés de pop, discuter autour d'un ou plusieurs verres. Dans la cave du Pop In, des concerts (gratuits) sont organisés presque tous les soirs : vous pourrez y voir des groupes débutants, dont certains feront bientôt parler d'eux, et, si vous avez un peu de chance, des grands noms de la pop. Le Pop In, c'est aussi un label (Pop In Records), qui édite régulièrement un 45 tours vinyle, avec, en face A, un inédit d'un groupe créé spécialement et, en face B, une reprise. Bref le Pop In est un lieu mythique et fédérateur de la communauté Pop Indé. Nous avons donc rencontré Denis Quélard, un des fondateurs, afin d'en savoir plus l'histoire du Pop In et sur son formidable rôle de tremplin.

    Petite anecdote : en arrivant au Pop In, nous avons pu vérifier par nous-mêmes que bière et pop sont intimement liées puisque Denis était en pleine réparation des tireuses à bière !

    La communauté pop indé : interview du Pop In (26 mars 2014)

    Baptiste & Gérald : Denis, peux-tu nous parler de l'aventure Pop In ? Comment est-ce que cela a commencé ?
    Denis : Avec mes deux associés, Marc et Florence ; nous étions copains depuis longtemps. Moi, je travaillais dans la banque, c'était un boulot hyper chiant. Et puis, un jour, des collègues m'ont dit qu'une nouvelle fille allait arriver dans le service et qu'elle devrait me plaire, car ils savaient que j'étais un peu rock’n’roll, que je n'étais pas trop dans le style JP Morgan et Place Vendôme. Et effectivement, cette fille arrive, avec des cheveux longs mais complètement rasés autour : c'était Florence, elle était fan de Siouxsie et de Cure. On est devenus potes assez rapidement et on est allés à plein de concerts ensemble. Lors d'un concert à la Loco (maintenant la Machine du Moulin Rouge), on a rencontré Marc qui avait une magnifique coupe au bol à la Oasis. Puis Florence et Marc sont sortis ensemble et ont eu deux enfants. Voilà ! A l'époque, on a fait tous les concerts de britpop : Blur, Oasis, Lush, Pulp, Ride, etc. Et après chaque concert, à chaque fois, on voulait aller boire un verre et on se disait qu'il n'y avait pas un bar à Paris dans lequel tu pouvais écouter ce genre de musique. C'est comme cela que l'idée d'ouvrir un bar a germé. Puis de mon côté, j'en ai eu marre de la banque, ils étaient en train de virer des tas de gens … Alors on s'est dit que c'était le moment de se lancer.

    B&G : C'était en quelle année ?
    D: On a ouvert en mai 1997. L'aventure a été un peu compliquée. On a acheté une licence IV avant d'avoir le lieu. C'est complètement atypique, normalement on ne fait jamais ça. Et on a trouvé le local du Pop In, qui était une ancienne agence d'intérim. Franchement, ça ne ressemblait à rien : quand on a commencé les travaux, certaines personnes pensaient qu'on allait ouvrir une pizzeria ! D'autres nous disaient que ça ne marcherait jamais. On a fait tous les travaux nous-mêmes, de décembre 1996 à mai 1997 : ça a été assez long car on était loin d'être des experts en bricolage. Il y avait aussi toute l'isolation à faire et on a pris un spécialiste pour cela. L'anecdote drôle à ce sujet, c'est que l'isolation a été faite par un gars qui avait un studio de répèt’ ; avec l'argent qu'il a gagné en faisant l'isolation dans des bars, il a produit une artiste qu'il nous décrivait comme géniale. Nous avons donc indirectement contribué aux débuts de … Lââm ! Ensuite, encore une anecdote assez drôle, c'est par mon coiffeur, qui connaissait un journaliste de Magic et qui savait que je faisais beaucoup de concerts, que nous avons rencontré toute la bande de Magic. C'était un journal que nous aimions beaucoup et qui était très important, avec les Inrocks, à l'époque où les Inrocks parlaient encore de musique. En août 1997, à la Route du Rock, tout ce petit milieu qui gravitait autour de Magic a commencé à propager la nouvelle concernant l'ouverture d'un bar pop à Paris. Ils ont tous débarqué ici, Robert Alves a commencé ses DJ sets chez nous, et ça a fait boule de neige. Ensuite, avant que notre bar tourne vraiment, il a fallu environ un an.

    La communauté pop indé : interview du Pop In (26 mars 2014)

    L'autre élément très important a été la création, en même temps que notre bar et sans qu'on les connaisse, d'une association qui s'appelle « les Pop In Gays ». En gros leur message, c'était : "on est pédés, mais on en a marre d'être assimilés à Mylène Farmer ; nous on écoute de la pop anglaise et on est fans des Smiths !". Je crois que leur nom venait d'un jeu de mot autour du mot anglais « popinjay » qui veut dire freluquet. Ils sont venus nous voir fin 97 : on trouvait marrant de s'appeler presque de la même manière. Du coup, tous les jeudis, on s'est mis à organiser les soirées « Pop In Gays ». Très vite, leurs soirées ont été blindées de monde. Ils ont aussi organisé des festivals et ils animent un site internet assez pointu en indie pop. Au bout de sept ou huit ans, il y avait trop de monde qui venait à leurs soirées et ils sont partis organiser leurs soirées dans d'autres endroits. On est toujours très copains avec eux. Toujours au rayon anecdotes, les Pop In Gays ont participé à un clip de Pete Shelley, l'ex Buzzcocks, qui était d'ailleurs assis pile où je suis assis en ce moment [ndlr, le petit canapé en cuir marron à l’étage, à côté de l’escalier]. J'étais fan des Buzzcocks et c'était marrant de voir cette légende du punk qui ressemblait à une vieille grand-mère et qui disait « Darling » à tout le monde.

    G: Je me souviens que l'ouverture du Pop In avait été très importante dans la communauté pop indé, y compris en Province. Il y avait même eu un petit article dans un numéro de Magic. On en avait aussitôt parlé avec un copain (Philou), qui était étudiant à Paris. Et j'étais venu exprès de Clermont-Ferrand, où je faisais mes études, pour qu'on aille ensemble au Pop In.
    D: L'équipe de Magic (Christophe Basterra, Nicolas Plommée, ...) a été très importante. Ils ont ramené des musiciens avec qui ils traînaient. Concernant la Province, c'est vrai que l'ouverture du Pop In avait été un petit événement. D'ailleurs, encore aujourd'hui, il y a un gars en Auvergne, qui nous envoie régulièrement des courriers écrits à la main : en janvier, il nous a envoyé une carte de vœux dans laquelle il nous demande quand le prochain disque « Pop In Records » va sortir. Et on ne l'a jamais vu, on ne sait pas s'il a 17 ans ou 40 ans.

    B&G : En 17 ans, comment ont évolué les choses pour la programmation musicale ? Est-ce que vous avez une ligne directrice ? Est-ce que c'est la découverte permanente ?
    D: Au départ, on passait vraiment de la pop : les Beatles, les Stones (mais plus les Beatles que les Stones), les Kinks, Blondie, Bryan Ferry, … Et bien sûr toute la vague britpop, qui était de la pop 60's retravaillée. Ensuite, les choses ont évolué : on s'est mis à l'électro, qui n’existait pas du tout en 1997. Au début du Pop In, pour les concerts, on ne faisait jamais jouer de groupes qui chantaient en français. Jusqu'en 2000 – 2005, tous les gens qui chantaient en français faisaient de la variété et pas de la pop, alors que, depuis quelques années, il y a un vrai renouveau de la pop chantée en français, qui est vraiment excitant, avec des jeunes gens modernes très influencés par les 60's et les années 80. Et j'en avais marre de programmer des groupes qui chantaient très mal en anglais et qui au final ne ressemblaient à rien. D'ailleurs, dans la programmation des concerts, il y a 40% de groupes qui viennent de l'étranger.

    B&G : Comment ça se passe pour contacter ces groupes ?
    D: En fait, ce sont eux qui me contactent. C'est un enfer car je reçois vingt à trente demandes par jour ; si je ne regarde pas ma messagerie pendant cinq jours, je me retrouve avec 250 mails à dépiler … Et je précise que je réponds à presque tout le monde. C'est un gros boulot ! Parfois, c'est très déprimant quand tu n'entends que des trucs de merde pendant une semaine. Mais il y a aussi des moments géniaux quand tu tombes sur cinq pépites dans la même journée.

    B&G : Est-ce qu'il y a des groupes qui n'étaient pas connus quand ils sont passés au Pop In et qui, depuis, ont percé ?
    D: Herman Düne. Ils sont venus au tout début du Pop In. C'était assez drôle car c'était un peu les folkeux de Herman Düne contre les popeux de Magic. Et cinq ou six ans après, Robert Alves de Magic a demandé à David, le guitariste-chanteur de Herman Düne, de faire un DJ set en ping pong. Ca résume bien les mélanges musicaux du Pop In : pop, folk, électro. Et Néman, le batteur de Herman Düne a monté le projet Zombie Zombie avec Etienne Jaumet, un truc complètement électro. Bref, des gens qui venaient d'univers différents se sont lancés dans des projets en commun et ça partait dans tous les sens.

    B: Il y a aussi Lilly Wood and the Prick ?
    D: Oui, ils nous ont d'ailleurs remerciés aux Victoires de la Musique. Je connaissais Benjamin [Cotto], qui venait souvent au Pop In. Je savais qu'il faisait de la musique ; il m'avait dit qu'il voulait monter un groupe et qu'il cherchait une chanteuse. Nili était ici et ils ont commencé à parler. Six mois après, Lilly Wood and the Prick était lancé.

    B&G : Leo (Bear Creek) des Pirouettes nous a aussi parlé du Pop In.
    D: Oui, il est venu très tôt voir assister à des concerts ici. Il avait 14 ans.

    B&G: Est-ce que d'autres stars, comme Pete Shelley dont on a parlé précédemment, sont venues au Pop In ?
    D: Des giga grosses stars internationales ! Le plus gros événement people qu'on ait eu, c'est à l'occasion de l'after show d'un défilé d'Hedi Slimane. Je connaissais Etienne Daho depuis l'époque où j'étais étudiant à Rennes et il venait au Pop In avec des copains, dont Hedi Slimane. Il était un peu en observation ici, il regardait comment les gens étaient lookés. C'est quelqu’un qui ne parlait pas beaucoup: il a dû venir ici pendant cinq mois sans dire un mot, juste en prenant un Perrier, et je pense qu'il trouvait des idées pour ses collections. Etienne m'a présenté Hedi. Un jour, il m'a demandé s'il pouvait faire l'after show de son premier ou deuxième défilé pour Dior. Le défilé devait avoir lieu un lundi et on a ouvert exceptionnellement [le Pop In était à l’époque fermé le lundi]. Deux semaines avant, un attaché de presse était venu nous voir, pour savoir si les invités un peu connus pourraient arriver par un autre accès que l'entrée principale. Et quand on a vu les gens « un peu » connus, on a halluciné. Il y avait Karl Lagerfeld : l'attaché de presse nous avait aussi demandé de prévoir du Pepsi Max et on savait que, dans le monde de la mode, à part Karl Lagerfeld, personne ne buvait du Pepsi Max. A l'époque, les bars étaient fumeurs et ici c'était un enfer de fumée. On pensait que Karl Lagerfeld ne tiendrait pas trente secondes. Finalement, il est resté et a dansé dans la cave [là où ont lieu les DJ sets et les concerts]. Il y avait aussi Sandra Bullock, Hugh Grant, Malcolm McLaren, Alain Chamfort, Neil Tennant des Pet Shop Boys. Etienne Daho bien sûr, Dani. Elle ne buvait que du vin rouge et avait les lèvres violettes. Elle ne voulait pas que je vide les cendriers car elle trouvait ça génial quand ils débordaient de mégots et de cendre. Et en allant ramasser des verres, je suis tombé nez-à-nez avec Elton John. Là, je me suis dit, on peut mourir tranquilles, on a vu Elton John au Pop In.

    La communauté pop indé : interview du Pop In (26 mars 2014)

    Au début du Pop In, Nicolas Sirkis d'Indochine venait beaucoup; il était d'ailleurs présent à la soirée pour fêter les deux ans du Pop In. Avec ses verres de Coca car il ne boit jamais d'alcool ! Il y a dix ans environ, Daniel Darc venait assez souvent ; il était malheureusement défoncé et un peu en mode clochard. La première fois qu'il est venu, je ne l’avais pas reconnu car j'avais toujours en tête le beau gosse de la période Taxi Girl. Son cocktail fétiche était composé d'une dose de pastis et d'une dose de cassis, et surtout sans eau et sans glaçon. Je me souviens qu'il avait une passion pour la photo et il restait deux heures à démonter des appareils pièce par pièce puis à essayer de les remonter. Il finissait par tout remettre en miettes dans un sac plastique. Parmi les groupes pop connus qui sont venus au Pop In, il y a les gens de Sigur Rós, d'Of Montreal, de Nada Surf, Laetitia Sadier de Sterelolab, Jay Mascis de Dinosaur Jr., Kid Loco, Adam Green, Emilie Simon. Saint Etienne et Sarah Cracknell aussi, qui étaient venus avec Etienne Daho après un concert au Café de la Danse. Muriel Moreno de Niagara avait fait un DJ set avec les Pop In Gays ; je crois que c'était en 1999.

    G: En 1999 aussi, je crois que les frères Gallagher sont passés au Pop In.
    D: En fait, ils jouaient au Bataclan et leur attachée de presse cherchait un endroit pour faire des interviews télés. Ils avaient retenu le Pop In car il y a plusieurs salles et que leurs décorations sont très différentes. Chaque télé pouvait ainsi dire qu'elle avait une interview exclusive à cause des fonds différents. Ça s'est passé l'après-midi vers 15h. A l'époque, on ouvrait à 17h30. Un copain est passé en vélo dans la rue Amelot et a vu les Gallagher marcher. Il a appelé d'autres copains en leur disant : « Les Oasis sont au Pop In ! ». Et une demi-heure plus tard, il y avait trente personnes devant le Pop In, dont un mec qui avait dessiné un portrait de Liam Gallagher, hyper mal fait, et lui a demandé de le signer. Ça, c'était très drôle. En revanche, les Gallagher n'étaient pas cools et pas sympas du tout, voire vraiment cons.

    B&G : Tu nous disais précédemment que beaucoup de groupes qui jouent au Pop In sont étrangers ? Est-ce que le Pop In est connu à l'étranger ?
    Suite à l'after show d'Hedi Slimane, il y a eu des pages dans des magazines de mode japonais, par exemple avec des photos où on voit une table vue de dessus avec des cendriers qui débordent de clopes, et juste une chaussure … Il y a eu beaucoup d'articles en Suède. Des étudiantes ERASMUS sont venues il y assez longtemps et la déco leur a fait penser à des bars de Stockholm, et le mot s'est passé en Suède. Les autres pays nordiques ont suivi. J'ai d'ailleurs un bon contact avec un groupe finlandais qui s'appelle Le Corps Mince de Françoise, qui a joué au Pop In. Du coup, d'autres groupes finlandais sont venus ici : Kiki Pau par exemple.

    Il y a eu aussi beaucoup de trucs avec la scène pop espagnole, notamment grâce à Christophe Basterra qui adore cette musique. Des groupes comme Astrud ont joué au Pop In. Et il y a eu des concerts de groupes de la scène travelo espagnole. La Prohibida, un travelo hyper connu en Espagne, et La Terremoto de Alcorcón, qui a eu un méga tube en Espagne, ont fait un concert ici. La Terremoto, c'est complètement fou ! C'est une grosse femme qui ressemble à un travelo sauf que c'est une  vraie femme, et elle chante avec des gars barbus mais qui sont maquillés et déguisés en femmes. Elle a fait une reprise hilarante de la chanson Hung Up de Madonna.

    B&G : Quels sont les concerts mémorables qui ont eu lieu au Pop In ? Y-a-t-il des groupes emblématiques qui ont joué ici ?
    D: Les Frank and Walters, un groupe que j'adorais, ont joué au Pop In en février 2009 . J'étais fou de joie. Je les avais rencontrés grâce à un copain irlandais à Cork.

    Il y a eu un concert de Lloyd Cole le 22 novembre 2010. Je suis encore dégoûté parce que je n'étais pas là. J'étais allé voir The Pains Of Being Pure At Heart au Glazart et un copain m'appelle à 19h30 environ : « Salut. Lloyd Cole est à Paris. Il souhaiterait jouer au Pop In. C'est possible ? ». Bien sûr, je lui réponds que c'est OK et j'apprends qu'il débarque dans trente minutes. J'ai prévenu Florence qui travaillait ce soir-là. Et il a joué devant trente-cinq personnes. On m'a raconté qu'il a évidemment fini avec Forest Fire et que tout le monde pleurait, que c'était magnifique. Je n'ai vu que les deux ou trois vidéos tournées pendant le concert.

    Dans les autres concerts marquants, il y eu Spain en mai 2012. C'était magique, leur son était pur et propre. Et en plus, ils sont adorables. Belle rencontre et beau concert !

    B&G : Pour toi, quelle est la place du Pop In dans l'univers pop indé. Vous vous voyez comme un découvreur de talents, comme un tremplin pour les groupes qui démarrent ?
    D: Clairement. Je ne veux pas faire mon fiérot mais la plupart des groupes qui jouent aujourd'hui à la Maroquinerie, au Nouveau Casino, etc, ils ont fait leur premier concert ici il y un an, deux ans, trois ans, … Lescop par exemple a joué la première fois au Pop In le 14 novembre 2011 ; et il a refait une date ici à la fin de sa grosse tournée en avril 2013.

    Toute la bande du label Kütu Folk de Clermont-Ferrand est passée ici : The Delano Orchestra, Niandra Lades, Garciaphone, ... Et un  petit nouveau prometteur : Jolakkotür. La bande de Bordeaux avec les Kid Bombardos. Le batteur avait d'ailleurs quatorze ans quand ils ont fait leur premier concert ici en octobre 2007 ; ils étaient venus avec leurs parents.

    Aline a aussi joué ici en novembre 2010. A l'époque, ils s'appelaient Young Michelin et ils portaient des pulls rayés de toutes les couleurs.

    La semaine dernière, il y a eu Bright Light Bright Light, un groupe créé par un gars, Rod Thomas, qui faisait du folk et est passé à l'électro gay, qui a sorti récemment un duo avec Elton John, qui a fait des premières parties des Scissor Sisters. Il a invité une américaine Beth Hirsch à chanter avec lui au Pop In. Elle a fait toutes les voix féminines sur l'album d'Air Moon Safari.

    Toute la bande de KIM avait organisé une soirée Craignos Cabaret, avec des faux artistes : Béton Plastique (un faux groupe de banlieue), Jean-Pierre Fromage, Maximum Cagole, ...

    B&G : La programmation te prend apparemment beaucoup de temps. Tu t'en occupes tout seul ?
    D: Oui je m'en occupe tout seul. Jusqu'à il y a deux ans, Nico alias GTM m'aidait beaucoup car il avait pas mal de contacts avec les scènes musicales. Il s'occupe encore de Pop In Records et surtout du Festival Yeah ! qu’il a monté l’année dernière avec Laurent Garnier. Au niveau du planning, il faut être très organisé.

    B&G : Actuellement, quels sont les artistes français que tu apprécies particulièrement ?
    D: Wilfried (Wilfried Paris), O (Olivier Marguerit), Petit Fantôme, les Pirouettes, Moodoïd, Destin, Garçon d'Argent, La Femme, Orval Carlos Sibelius. Et le dernier album d'Etienne Daho est sublime.


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  • Interview de Chvrches
    17 mars 2014 – Paris (Le Trianon)
    Par Baptiste & Gérald PETITJEAN.

    Interview de Chvrches (17 mars 2014)

    Cette interview est disponible en français et en anglais.

    Version française :

    Y a-t-il une « Scottish pop » ?
    Baptiste & Gérald : Nous aimerions savoir ce que vous pensez de quelques groupes écossais… Commençons par Glasvegas.
    Iain Cook : J’ai vraiment adoré leur premier album. Au moment de sa sortie, on avait beaucoup d’amis qui les trouvaient un peu bizarres à cause de leur façon d’utiliser le dialecte, l’accent et tous ces trucs-là. Mais c’est un chouette mélange des genres entre le shoegaze, le rock des années 50, et le Glasgow vécu, avec ses histoires et témoignages. C’est un groupe intéressant et leur nouvel album est réussi.

    B & G : Primal Scream ?
    Martin Doherty : Ce n’est pas vraiment un groupe écossais mais leur leader est écossais [ndlr : Bobby Gillespie]. Je suis un gros fan de Primal Scream. Pour moi, deux de leurs albums sont essentiels : "XTRMNTR", rien que pour la présence de Kevin Shields, et "Evil Heat".

    B & G : Belle & Sebastian ?
    IC : Belle & Sebastian sont là depuis… depuis toujours. J’ai un souvenir qui remonte à l’école : un de mes amis avait eu un exemplaire de "Tigermilk" [le premier album de Belle & Sebastian en 1996], qui n’était pas encore sorti officiellement à l’époque, c’était juste un tirage limité, sur quelques vinyles. Il était très difficile à dénicher. C’était pile au moment où "The Boy With The Arab Strap" explosait. Et mon ami est arrivé à l’école avec cet exemplaire, sur une cassette qu’il avait récupérée grâce à je ne sais qui. C’était vraiment un truc énorme ! C’est toujours un groupe qui compte aujourd’hui. Ce n’est pas le genre de musique que j’écoute, mais j’ai un immense respect pour ce groupe et sa carrière aussi longue.

    B & G : Est-ce que certains de ces groupes écossais ont été une source d’inspiration pour vous ?
    IC : On a grandi en écoutant tous les groupes de Glasgow dont on était fans à l’époque. Les groupes du label Chemikal Underground [ndlr : un label indépendant créé en 1994 par The Delgados, un groupe de rock de Glasgow] étaient particulièrement importants pour nous, c’était notre paysage musical. On adorait The Delgados, Arab Strap, et moi j’étais un fan de Mogwai. Et ce sont des groupes que j’écoute encore aujourd’hui et qui comptent toujours vraiment.

    B & G : Pensez-vous qu’il y ait une « Scottish pop », une spécificité écossaise ?
    MD : Il y a des styles musicaux très différents. Peut-être que ce que les groupes écossais ont en commun, c’est un certain niveau d’autodérision et de sens de l’humour. Oui, voilà, ce serait ça pour moi, l’« ingrédient écossais ». (rires)

    La synthpop.
    B & G : Vous avez dit dans une interview que le terme « synthpop » était plus adapté à des groupes comme Depeche Mode, parce que vous utilisez des techniques de production plus modernes, en particulier sur les rythmes, et que vous mettez l’accent sur la mélodie. Alors, c’est quoi la marque de fabrique Chvrches ?
    Lauren Mayberry : Pour moi, « synthpop » renvoie à une certaine époque... à laquelle nous n’appartenons pas vraiment. Enfin je ne sais pas trop, il n’y a pas quelqu’un qui veut m'aider ? (rires) Nous ne voulons pas faire dans le pastiche ni dans le commercial. C’est juste qu’on compose d’abord nos morceaux au synthé, et pas à la guitare.
    MD : La « synthpop » se réfère à un temps révolu et dire d’un groupe qu’il fait de la synthpop, ça fait un peu daté. On ne se reconnaît pas vraiment là-dedans. Il y a quelque chose de « synthpop » dans ce qu’on fait parce qu’on utilise des technologies qui étaient utilisées aussi à l’époque. Mais pour décrire notre groupe, je dirais qu’on fait une électro pop dans laquelle les mélodies ont beaucoup d’importance, et qu’on est plus ou moins influencé par le passé, mais rien n’est vraiment défini. Lorsque vous vous attachez trop à un genre, vous vous imposez immédiatement des règles et je considère que c'est une mauvaise chose. Je pense qu'il ne devrait y avoir aucune règle.

    La tournée et les concerts.
    B & G : A propos des concerts, êtes-vous plus inquiets de jouer dans des salles de plus en plus grandes avec le succès ?
    IC : Je pense que la nervosité initiale venait du fait qu'il s'agissait au départ d'un projet studio. Nous n’avions pas pensé au live. Techniquement, transposer nos chansons sur scène, dans un environnement réel, fut un exercice difficile. Notre premier concert date de juillet 2012, il y a près de deux ans, nous avons fait beaucoup de concerts depuis, tout cela fait que la nervosité qu’on pouvait avoir au début a complètement disparu. Maintenant, à chaque concert, à chaque tournée, nous nous efforçons de nous améliorer.

    B & G : Vous avez fait beaucoup de concerts en 2013 et vous êtes encore en tournée à travers l'Europe. Appréciez-vous toujours de vous réveiller à 4 ou 5 heures du matin pour prendre le bus et voyager d'un endroit à un autre... ?
    MD : Même pour un million de livres, je n’apprécierai jamais de me réveiller à 4 heures du mat’ ! Mais franchement, c'est difficile de se plaindre de ce travail. Nous pourrions faire des choses bien plus horribles de nos vies. Et j'aime toutes nos chansons. Pour revenir à l'évolution dont on parlait, pour nous, il ne s’agit pas d'être plus à l'aise sur scène, mais de nous sentir meilleurs.
    IC : Le seul moment où je peux en avoir marre d’une chanson, c'est quand nous faisons un concert pas terrible pour des raisons techniques. Mais le plus important c’est que les gens passent un bon moment, profitent et chantent, et quand nos morceaux ont un sens pour eux.

    B & G : Comment résumeriez-vous 2013, en quelques mots ?
    LM : J’ai l’impression que nous avons fait beaucoup de chemin, il y a eu beaucoup de « premières fois » [premier album, premiers concerts...]. Nous avons beaucoup appris et nous continuons à apprendre, je crois. Alors, ouais, c’était une bonne année !
    MD : Bon, c'est le mot !

    B & G : Et en janvier 2015, comment aimeriez-vous résumer 2014 ?
    MD : En un mot ? (rires) La satisfaction et la réussite, au sens où je l’entends.

    Le prochain album.
    B & G : Vous avez dit dans une interview que vous étiez « impatients de retourner en studio ». Savez-vous quelle direction prendra votre prochain album ?
    IC : Nous allons jouer dans plusieurs festivals cet été, mais nous nous accorderons quelques pauses, ce sera un bon point de départ. Nous avons hâte de retourner en studio. On a beaucoup d’idées.
    MD : Nous ne serions pas de très bons musiciens si nous n'avions pas d'idées ! (rires )
    IC : Disons que nous voulons terminer le gros de la première partie du travail pour septembre...

    B & G : Quelle couleur choisiriez-vous pour décrire votre premier album ? Et le prochain ?
    MD : Je dirais que le premier album est orange foncé et que le second sera rouge.
    IC : Le troisième sera violet.
    LM : C’est pas mal : rouge et bleu, ça fait violet !

    Version anglaise :

    Pop music in Scotland.
    Baptiste & Gérald: We’d like to know what you think about several Scottish bands, starting with Glasvegas?
    Iain Cook: I really loved their first album. When it came out, there were a lot of people that we are friends with who were a bit suspicious of them because of the way they were using the dialect and the accent and stuff like that… But it’s a nice kind of blending of styles: shoegaze, 50s-style rock, genuine Glasgow confessions or stories. That’s a really interesting band and their new album is also really good.

    B & G: Primal Scream?
    Martin Doherty: This band is not entirely Scottish but they have a Scottish front man [ndlr: Bobby Gillespie]. I’m a big fan of Primal Scream. From a personal point of view, two records are considered to be very important: “XTRMNTR” [2000], at least because Kevin Shields was involved, and “Evil Heat” [2002].

    B & G: Belle & Sebastian?
    IC: Belle & Sebastian have been around for... as long as I can remember. I remember being at school and one of my friends had got a copy of “Tigermilk” [Belle & Sebastian debut album, 1996] which at the time was not released properly, it was only ever released on a very small pressing of vinyls, so it was really difficult to come by. It was just the time when “The Boy With The Arab Strap” was blowing up. My friend came at school with this copy, on a tape he got from somebody. It was a really big deal! Their importance remains. It’s not the kind of music that I listen to, but I have a lot of respect for a band that has a career as long as they have.

    B & G: Has any of these Scottish bands been an inspiration to you?
    IC: We grew up listening to all of the bands of Glasgow that we were into at the time. All of the bands of the Chemikal underground [an independent record label set up in 1994 by Glasgow Scotland rock band The Delgados] were really important to us, forming our musical landscape. We loved the Delgados, Arab Strap, particularly Mogwai for me. Those are the bands I still listen to and still think they’re really important.

    B & G: Do you think there is a Scottish pop with a Scottish specificity?
    MD: There are different styles. Maybe Scottish bands have in common a certain level of self-depreciation and humor. That’s what, I would say, would be the “Scottish element” (laughs).

    Synthpop
    B & G: You said in an interview that synthpop suited better groups like Depeche Mode because you think you use more modern production techniques, especially in the rhythm techniques, and the focus on melody can make your band more unique. What’s the Chvrches’trademark?
    Lauren Mayberry: I think that synthpop implies a certain time period… We are not really part of that. But I don’t really know, does anyone want to help me? (laughs) We don’t want to be a pastiche band nor a chart pop band. We are just writing primarily on the synth instead of the guitar.
    MD: Synthpop refers to a period in time and a synthpop band appears to be a retro band. We don’t really subscribe to that. There is a small element of what we do that is in the technology that was used at the time and that we use. But to describe our band now, it’s just “song focused electronic pop music”, somehow influenced by yesterday but it’s not really definite. When you tie something to genre, you immediately impose rules on yourself and I consider that to be a negative thing. I don’t think there should be any rules.

    Touring
    B & G: About the concerts, are you more anxious with the venues getting bigger and bigger as your success is growing?
    IC: I think that initial nervousness comes from the fact that it was a studio based project. There were no plans to take it live. Technically, it was a difficult exercise to translate our songs on stage, to translate it well in a live environment. We played our first show in July 2012, that’s nearly two years ago, we played a lot of shows, so I feel like that kind of nervousness about playing live is way gone. Now, every time we play, every tour we do, we thrive to be better.

    B & G: You did a lot of concerts in 2013 and you are touring a lot around Europe still now in early 2014. Do you still manage to appreciate waking up at 4 or 5 in the morning to take the bus and go from one place to another…?
    MD: I don’t think I’ll ever appreciate waking up at 4, even if it was to get a million pounds! But, I mean, it’s hard to complain about this job. There is a lot of worst things that we could be doing with our lives. And I love all our songs. About the evolution, to us, it’s not about being more comfortable on stage, it’s more about feeling better.
    IC: The only time I can get bored with playing a song is when we’re not having a great gig for technical reasons. But the most important is that people have a good time and enjoy and sing along, and when it means something to them.

    B & G: How would you sum up, in a few words, 2013?
    LM: I feel like we covered a lot of ground, it was a lot of ‘first times’ of things [first album, first shows…]. We learned a lot, but we are still learning a lot, I think. So, yeah, it was good!
    MD: It was good, that’s the word!

    B & G: And in January 2015, how would you like to sum up 2014?
    MD: In one word? (laughs) I would like to achieve satisfaction and success, in the way that I want to.

    The next album
    B & G: You said in an interview that you were “looking forward to getting back to the studio”. Do you know where your second album is heading to?
    IC: We play in some festivals during the summer but we have some breaks that we will use to make a proper start. We’re looking forward to getting back to the studios. We have many ideas.
    MD: We would not be very good musicians if we had no ideas! (laughs)
    IC: Let’s say we want to finish the heavy schedule for September…

    B & G: Which colour would you choose to describe your first album? And the next one?
    MD: I’d say the first album is dark orange; the second album will be red.
    IC: The third is going to be purple.
    LM: That sounds good. Red and blue, that makes purple!

    Interview de Chvrches (17 mars 2014)


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